comment sauver les logiciels libres ?

12/07/2024 Monde libre

>
La souveraineté numérique menacée par la domination des multinationales : les communs numériques et les logiciels libres comme alternatives.

[b]Communs numériques ... souveraineté ... kekséksa ?[/b]

Les communs numériques font référence aux ressources numériques partagées et gérées de manière collective par une communauté d'utilisateurs, telles que les logiciels libres, les données ouvertes, les contenus créatifs sous licence libre, etc. Ces ressources sont souvent créées et maintenues par des communautés de contributeurs bénévoles ou rémunérés, qui collaborent de manière ouverte et transparente pour les développer et les améliorer.

La souveraineté numérique, quant à elle, désigne la capacité d'un État à exercer son autorité et son contrôle sur ses ressources numériques, ses infrastructures réseau et ses données, afin de garantir son autonomie et sa sécurité dans le cyberespace. Elle implique également la capacité à protéger les droits fondamentaux des citoyens dans l'environnement numérique, tels que la vie privée, la liberté d'expression et le droit à l'information. La souveraineté numérique est devenue un enjeu majeur pour les États, en raison de l'importance croissante du numérique dans tous les aspects de la vie sociale, économique et politique, et de la menace que représentent les cyberattaques et l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures.

[b]Du coup, ça fait quoi ?[/b]

Avec la seconde révolution informatique des années 1960, le développement numérique d'un pays repose sur un équilibre fragile entre l'expertise des institutions publiques et l'externalisation de la production des outils par les entreprises. Cependant, avec la mondialisation du marché numérique, cet équilibre a été rompu, laissant place à une concentration des grandes multinationales, principalement américaines. Cette situation a réduit les marges de manœuvre pour assurer la souveraineté numérique, qui consiste en la possibilité pour un État d'assurer son autonomie en matière de ressources logicielles, d'infrastructure réseau et de valorisation des données numériques.

Face à cette situation, le logiciel libre et open source est souvent présenté comme une alternative crédible, offrant davantage de transparence, de sécurité et de confiance. Cependant, malgré les parts de marché croissantes du "marché de l'open source", la plupart des logiciels domestiques, des applicatifs métiers et des systèmes d'exploitation vendus avec les machines sont propriétaires, y compris dans la fonction publique. De plus, la question de la souveraineté numérique ne se limite plus aux usages individuels, mais concerne également le stockage des données et leur localisation, ainsi que la contribution significative au code libre ou open source pour ensuite en extraire toute la plus-value sur des marchés fermés et hégémoniques.

Les multinationales et leurs plateformes ont réussi à marginaliser les alternatives communautaires en mettant en avant la simplicité d'utilisation, la maintenance "clé en main" et l'intégration de leurs produits propriétaires. Bien que les États européens aient pris des engagements en faveur du logiciel libre et open source depuis les années 1990, ils peinent encore à concrétiser leurs discours, notamment dans les marchés publics. Pourtant, la souveraineté numérique est de plus en plus associée au potentiel du logiciel libre ou open source, comme autant de ressources communes dont l'adaptabilité aux besoins permet aux États de développer ou faire développer leurs propres outils numériques, en toute indépendance.

Le prix à payer est celui de l'effort et du savoir-faire dans le développement. Les logiciels libres ou open source sont créés de manière collaborative par des communautés, contributeurs utilisateurs et développeurs, à dimension locale ou mondiale, pour répondre à leurs propres besoins. Ils le font dans une logique économique qui s'oppose à la logique propriétaire des grands éditeurs privés, ce qui n'empêche pas ces derniers de contribuer à leur tour, selon leurs motivations. Certains rares logiciels libres sont issus de la fonction publique, même s'il arrive souvent que cette dernière n'a pas les moyens humains suffisants pour les maintenir, auquel cas des communautés d'utilisateurs-développeurs se les réapproprient parfois.

Lorsqu'un logiciel communautaire est pressenti pour répondre à un besoin spécifique pour un État, l'intégration requiert la plupart du temps de faire appel à des services de développement externes, c'est-à-dire des entreprises capables de répondre à un marché public en modifiant et adaptant le code libre ou open source issu de ces communautés, en fonction du cahier des charges du donneur d'ordre. Cependant, dans la configuration d'un marché libéralisé, l'État en vient à placer sur le même plan concurrentiel les produits issus des multinationales et les communs numériques issus de structures mixtes dont le modèle économique est non seulement différent, mais aussi beaucoup plus fragile. Cette mixité se construit d'un côté avec des petites entreprises ou start-up fournissant du développement sur la base de contrats avec l'État, et de l'autre côté, avec l'effort communautaire, mené par des collectifs, souvent bénévoles, ou bien construit sur du temps humain libéré par d'autres entreprises, sans contrepartie financière.

La question est donc de savoir comment maintenir le vivier libre ou open source dans cette configuration, et comment assurer le renouvellement de cette ressource face à la concurrence induite par la recherche de souveraineté. Il est important de ne pas considérer le code libre ou open source comme une ressource "commune" à épuiser dans le système néolibéral, mais plutôt de réévaluer une politique des communs qui soit démocratique et non productiviste.

[b]Sources[/b] :

• Ceruzzi, P. E. (2003). A History of Modern Computing. MIT Press.

 • Institut Mines Télécom (2023). Souveraineté numérique : enjeux et perspectives.

 • Eghbal, N. (2017). Roads and Bridges: The Unseen Labor Behind Our Digital Infrastructure. Ford Foundation.

 • Caffentzis, G. (2022). The Commons: An Alternative to Capitalism and the State? In The Wealth of the Commons: A World Beyond Market and State (pp. 31-41). Levellers Press.

 • Casilli, A. A. (2019). En attendant les robots: enquête sur le travail du clic. Seuil.

 • Hodgson, G. M. (2024). Public Money for Public Code: A Campaign for Software Freedom. Free Software Foundation Europe.

 • Sawers, P. (2023). Element changes its open-source Matrix server’s license to AGPL. VentureBeat.

 • Stiegler, B. (2015). L’emploi est mort, vive le travail! Entretiens avec Ariel Kyrou. Fayard/Mille et une nuits.

 • Williams, S., Stallman, R. M., & Masutti, C. (2010). Free as in Freedom 2.0: Richard Stallman’s Selected Essays. GNU Press.

 • Dardot, P., & Laval, C. (2015). Commun: essai sur la révolution au XXIe siècle. La Découverte.

 • Graeber, D. (2014). The Democracy Project: A History, a Crisis, a Movement. Spiegel & Grau.

 • Leach, M. (2013). Beyond development: a political manifesto. Routledge.

 • Guichoux, J. (2016). Les mouvements des places: vers une démocratie réelle?. Éditions du Croquant.

 • Crétois, T. (2017). L’intérêt général, expression de l’administration et du pouvoir. In L’intérêt général (pp. 11-26). La Documentation française.

 • Michel, S., & Lamarche, T. (2024). L’université, un secteur productif comme les autres? Les effets pervers de la stratégie de mise en concurrence. Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

 • Shulz, T. (2021). The Partner State: A New Framework for 21st Century Governance. Commons Transition.

 • Bollier, D. (2014). Think Like a Commoner: A Short Introduction to the Life of the Commons. New Society Publishers.

 • Pénigaud de Mourgues, A. (2017). Jean-Jacques Rousseau et la question de l’intérêt général. In L’intérêt général (pp. 27-42). La Documentation française.

 • Sauvêtre, P. (2022). Communs et communisation. Les prairies ordinaires.

[b]Source de l'article :[/b]

url=https://laviedesidees.fr/Communs-numeriques-et-souverainete-sauver-les-logiciels-libres#page][Laviedesidees.fr[/url]


Cet article a été écrit avec un combo IA + bon sens humain.

Parce que l’un sans l’autre, c’est souvent foireux !

Publié le [b]10 Juillet 2024[/b] par Technifree

Commentaires (0)

Connectez-vous pour commenter.