Péage en flux libre : la dématérialisation du bon sens
Ah, la France moderne ! Toujours à la pointe du progrès quand il s’agit d’ajouter une couche de techno-paperasserie à la vie du citoyen. Après le pass sanitaire, le compte FranceConnect et la vignette Crit’Air, voici le péage en flux libre. Un nom qui sent bon la route dégagée et la liberté retrouvée… sauf qu’en vrai, c’est surtout le flux de pognon qui est libre.
« Plus besoin de s’arrêter ! » (sauf chez ton buraliste pour payer ton amende)
Officiellement, c’est un gain écologique.
On roule sans s’arrêter, donc on pollue moins, on consomme moins, on gagne du temps.
Oui, sauf que pour la plupart des gens, on a remplacé le péage par un QCM numérique à choix unique : “as-tu Internet ou veux-tu une amende ?”
Sur l’A13-A14 (Paris <-> Normandie), le principe est simple : tu passes sous un portique bardé de caméras, il reconnaît ta plaque, et tu as 72 heures pour payer ton dû sur Internet ou chez un buraliste affilié à Nirio (le machin de la Française des Jeux).
Et si t’oublies ?
- Une petite indemnité de 10 € si tu payes vite,
- 90 € si tu traînes,
- 375 € si tu découvres l’existence du “péage en flux libre” dans un courrier recommandé.
Marcel, victime collatérale de la modernité
Prenons Marcel (c'est un pote), 68 ans, retraité, vit tranquille dans l’Eure, un vieux Kangoo diesel, pas d’ordinateur (il a rendu l'âme après Windows XP) et un téléphone à clapet qui dit juste “OK” quand il reçoit un SMS.
Un samedi, Marcel prend l’A13 pour aller voir ses petits-enfants à Paris. Il passe sous le portique. Pas de barrière, pas de guichet, pas de panneau clair qui dit “ATTENTION MARCEL, PAYE DANS LES 72 HEURES OU TU VAS SAIGNER”. Trois jours plus tard :
- Rien,
- Quinze jours plus tard : un courrier, 90 € de “frais administratifs” pour “non-paiement du péage”.
“Mais j’ai rien vu ! Y avait pas d’barrière !”
Non, Marcel, c’est ça la magie de la fluidité numérique : tu payes après, et cher !
La dématérialisation du bon sens
Le gouvernement nous explique que c’est « écologique ». Parce que oui, retirer des barrières en béton et mettre à la place des portiques truffés de caméras, capteurs, bornes 4G, serveurs cloud et IA de reconnaissance de plaques, c’est éco-responsable.
Mais bien sûr !
Les 150 serveurs qui moulinent pour identifier ton Kangoo, eux, ils tournent à l’énergie solaire. Et puis, attention : “pas d’inquiétude, vos données sont protégées par le RGPD” (En gros, on te piste légalement).
Arnaques en bonus
Comme tout bon système “innovant”, il attire les escrocs. Les SMS frauduleux pleuvent déjà :
“Votre péage A13 est impayé ! Payez sous 24h ici -> http://lien-cheulou.io”
Et devine quoi ?
Des milliers de gens cliquent, parce qu’ils ne savent même plus quel site est officiel. La Gendarmerie a d’ailleurs dû publier un communiqué :
“Ne payez vos péages qu’en ligne sur Sanef.com ou chez un buraliste Nirio.”
Eh oui, maintenant, la sécurité routière passe aussi par la cyber-vigilance.
Le progrès a bon dos
On supprime des emplois de caissiers, on garde les mêmes tarifs (quoique, quelques centimes de plus, ça passera inaperçu), on file le tout à des portiques automatiques qui débitent directement ton compte et on appelle ça “modernisation”.
... Pas sûr que Marcel, lui, voie la différence.
Ce n’est pas la liberté, c’est la libéralité : tu files tes données, ton fric et ta confiance à une société privée, pendant que le gouvernement t’explique que c’est “pour l’environnement”.
Et demain ?
- Des radars écologiques qui te verbalisent si t’as l’air stressé ?
- Des parkings en “flux zen” ?
- Des feux rouges à reconnaissance faciale ?
En résumé
Le péage en flux libre, c’est :
- Moins de barrières, moins de bouchons (soi disant),
- Plus de caméras,
- Zéro humain,
- et 72 heures pour prouver que t’as bien payé.
“Une avancée écologique et technologique majeure.”
Ou comme dirait Marcel :
“Une entourloupe numérique, sans vaseline offerte !”
1. Ne clique pas sur n’importe quoi
Si tu reçois un SMS qui te dit “/!\ Péage impayé” ?
-> Supprime-le !
Les sites officiels sont uniquement :
- sanef.com (A13, A14, A4)
- aliae.com (A79)
- ou ton buraliste Nirio (non, y s'appelle pas comme ça le mec)
Tout le reste = arnaque, point barre.
2. Note ton trajet
Si tu empruntes une autoroute “en flux libre”, note la date, l’heure et la sortie.
Tu pourras payer ensuite sans te ruiner (ou oublier peut-être).
3. Pas d’Internet ?
Va chez un buraliste partenaire Nirio avec ta plaque d’immatriculation et de quoi payer.
Pas besoin de compte ni de carte de fidélité à la FDJ.
4. Mets un rappel automatique
Tu passes sous un portique ? Mets-toi une alarme “payer le péage” dans ton téléphone ou colle toi un post-it sur le pare-brise (en espérant que ça colle bien).
Oui, c’est triste d’en arriver là, mais c’est ça ou 375 €.
5. Si tu es Marcel (ou que tu en connais un)
Explique-lui gentiment que le monde a changé. Mais si possible, imprime-lui ce guide parce qu’il n’ira pas le lire sur Internet.
6. Et surtout… respire.
On appelle ça “flux libre”, pas “stress libre”.
Reste zen, paie dans les temps et dis-toi que tu viens d’expérimenter la liberté 2.0 : celle qu’on te facture.
Commentaires (1)
Toujours intéressant de programmer son GPS pour éviter les routes à péage.
Mais c'est vrai qu'avec ce système, une voiture avec de fausses plaques d'immatriculation peut provoquer des problèmes au conducteur possèdant les vraies plaques.
Pas facile de prouver qu'on a pas pu circuler à un endroit donné payant, à une heure donnée. De quoi être embêté pendant un bout de temps.
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